Retour sur... ESHG 2025
Retour sur le congrès ESHG 2025
Les dernières découvertes présentées à l’occasion de la conférence européenne de la génétique humaine (ESHG) 2025 apportent des avancées majeures dans la compréhension génétique et clinique des maladies osseuses constitutionnelles (MOC), promettant des innovations importantes pour leur prise en charge.
Dans le cadre de son appel à candidatures 2025 dédié à la formation, la filière de santé maladies rares OSCAR a soutenu la participation de Mevyn NIZARD, médecin généticien au CRMR MOC, hôpital Necker-Enfants Malades (AP-HP). Parmi les milliers de posters et de présentations orales, il partage une synthèse des interventions les plus marquantes.
Sommaire
🔎 Nouveaux gènes et mécanismes moléculaires
🔎 Approfondissement des connaissances physiopathologiques
🔎 Nouvelles perspectives diagnostiques et thérapeutiques
🔎 Nouveaux outils diagnostiques par Intelligence Artificielle (IA)
🔎 Impacts diagnostiques et pronostiques
Nouveaux gènes et mécanismes moléculaires
- Dysostose spondylocostale (SCD) : l’identification d’une mutation autosomique dominante du gène MESP2 chez plusieurs familles permet de mieux comprendre le mécanisme physiopathologique. Cette mutation perturbe la régulation de la voie de signalisation de Notch et influencerait la segmentation vertébrale.
- Syndrome de Myhre : un modèle innovant de zebrafish portant la mutation p.Ile500Thr du gène SMAD4 révèle des anomalies squelettiques et vasculaires caractéristiques du syndrome de Myhre. Ce modèle va permettre de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de ce syndrome.
- Ciliopathies squelettiques : une nouvelle cause génétique, le gène IFT74, associé au phénotype de dysplasie thoracique sévère. Ce gène peut être fréquemment raté en diagnostic par exome.
Références :
• A novel form of autosomal dominant spondylocostal dysostosis in three unrelated families caused by the same heterozygous pathogenic variant in MESP2 Aneta Malesa, Gretl Hendrickx. Laboratory for Skeletal Dysplasia Research, Department of Human Genetics, KU Leuven, Leuven, Belgium.
• Zebrafish as a model for Myhre syndrome: growth deficits and vascular narrowing (Award Candidate) Eva Vanbelleghem, Bert Callewaert. Ghent University, Center of Medical Genetics Ghent, Ghent, Belgium.
• Further evidence that bi-allelic pathogenic variants in IFT74 are a novel cause of skeletal ciliopathy and implications for diagnostic testing Tessi Beyltjens, Marjan De Rademaeker. Center for Medical Genetics Ghent, Ghent University Hospital, Ghent, Belgium.
Approfondissement des connaissances physiopathologiques
- Dysplasie osseuse sclérosante : des études fonctionnelles ont confirmé le rôle pathogène des variants du gène SMAD7, provoquant une hyperostose facio-mandibulaire, une ostéosclérose des os longs et un remodelage osseux trop élevé par dérégulation des voies SMAD, Wnt et PI3K- AKT.
- Chondrodysplasie ponctuée (CDPX) : identification d'ARSL comme une sulfatase du réseau trans- Golgi, responsable de la désulfatation spécifique des chondroïtines 4-O-sulfates et du phénotype clinique. Un modèle de poisson (Medaka) déficient en ARSL reproduit les anomalies observées dans la CDPX, notamment un nanisme et des dysmorphies craniofaciales. Ces travaux révèlent pour la première fois que la désulfatation des protéoglycanes peut survenir dans le Golgi, et non uniquement dans les lysosomes, redéfinissant ainsi un pan du métabolisme osseux. ARSL apparaît comme une cible clé pour mieux comprendre les mécanismes pathogéniques des dysplasies osseuses.
- Dysplasie squelettique (Catel-Manzke) : la physiopathologie des mutations du gène TGDS, responsable du syndrome de Catel-Manzke, n’était pas élucidé avant ce travail. En utilisant des souris TGDS-KO, l’équipe a montré que ce gène produit un métabolite essentiel qui maintient l’activité d’UXS1, une enzyme clé de la synthèse des glycosaminoglycanes qui s’autoinactive. En l’absence de ce métabolite, la synthèse des GAG est altérée, perturbant le développement osseux.
Références :
• SMAD7: a novel gene in Sclerosing bone dysplasia
Alice Goldenberg, Corinne Collet.
Hôpital Necker, Department of Genetics and INSERM U1163, Paris, France.
• Arylsulfatase L (ARSL) controls Glycosaminoglycan Sulfation during Skeletal Development
Marianna Maddaluno, Carmine Settembre.
Telethon Institute of Genetics and Medicine (TIGEM), Pozzuoli, Italy.
Nouvelles perspectives diagnostiques et thérapeutiques
- Ostéogenèse imparfaite (OI) :
• L’imagerie par tomographie quantitative haute résolution, utilisée chez des patients atteints d’OI, révèle des déficits trabéculaires non détectés par la densitométrie classique, soulignant l’intérêt de cette technologie pour affiner le diagnostic et identifier les patients à risque élevé de fractures ; un groupe de travail international est souhaité pour définir des guidelines.
• Des inhibiteurs de la thromboxane synthase comme l’Ozagrel et Picotamide, initialement développés pour des indications vasculaires, montrent un effet prometteur sur la qualité osseuse et la densité minérale osseuse chez des modèles murins d'OI. Cette approche thérapeutique pourrait améliorer significativement la prise en charge de l'OI en combinant l’augmentation de la densité osseuse et de la qualité intrinsèque du tissu osseux, sans effets indésirables notables. - Maladies osseuses prénatales : une étude prospective sur 32 fœtus utilisant le séquençage génomique prénatal en solo a permis d'atteindre un taux élevé de diagnostic moléculaire de 72%, combiné aux résultats échographiques anté-natales et radiologiques post natal.
- Enchondromatoses multiples (Ollier et Maffucci) : mise en évidence d’un sur-risque de malignité en fonction de la localisation des enchondromes. La détection systématique des mutations IDH1 ou 2 pourrait permettre l'utilisation de traitements ciblés tels que les inhibiteurs d’IDH chez l’enfant réduisant ainsi le risque de développer de nouveaux enchondromes et le risque de transformation.
Références :
• A longitudinal study to evaluate the advantages of HR-pQCT to assess bone mineral density in patients with Osteogenesis Imperfecta
Alice Moroni, Luca Sangiorgi.
IRCCS Istituto Ortopedico Rizzoli, Bologna, Italy.
• Efficacy of thromboxane synthase inhibitors to improve bone mineral density and quality in osteogenesis imperfecta
Mathilde Doyard, Valérie Cormier-Daire.
Department of Genomic Medicine for Rare Diseases, Reference center for skeletal dysplasia, Necker Enfants Malades Hospital, AP-HP, Paris, France.
• Genome sequencing in a cohort of 32 fetuses with genetic skeletal disorders
Hillevi Lindelöf, Giedre Grigelioniene.
Department of Molecular Medicine and Surgery, Karolinska Institutet, Stockholm, Sweden.
• Predictive factor of malignant tumoral development in multiple enchondromatosis
Mevyn Nizard, Valérie Cormier-Daire.
Service de médecine génomique des maladies rares, Hôpital Necker - Enfants Malades, Paris, France.
Nouveaux outils diagnostiques par Intelligence Artificielle (IA)
Une présentation particulièrement novatrice concernait l’utilisation de l’IA dans le diagnostic précoce des maladies osseuses rares. Un modèle de reconnaissance d’images radiographiques, appelé Bone2Gene-Screen, a démontré une excellente performance pour identifier les radiographies anormales avec une précision de 87%. Cet outil pourrait devenir un soutien crucial en soins primaires et en radiologie pour accélérer le diagnostic précoce des maladies osseuses rares y compris dans des centres non experts.
Référence : Bone2Gene-Screen: AI-Augmented Early Detection of Rare Bone Diseases Eike Bolmer, Behnam Javanmardi. Institute for Genomic Statistics and Bioinformatics, University Hospital Bonn, Bonn, Germany
Impacts diagnostiques et pronostiques
- Ostéopétrose et syndrome d’encéphalopathie postérieure réversible (PRES) : la découverte inattendue d’un lien entre l'ostéopétrose due à une mutation du gène CA2 et la survenue de PRES souligne le lien possible avec des voies de signalisation impliquées dans l'intégrité vasculaire et la barrière hémato-encéphalique ainsi que la nécessité d’une vigilance neurologique accrue chez ces patients.
- Diversité génétique dans les dysplasies squelettiques : une analyse rétrospective extensive a mis en lumière la grande diversité génétique dans les dysplasies osseuses, illustrant le lien entre le phénotype et le génotype orientant spécifiquement le suivi de ces patients (LONP1 : malformations cardiaques/digestives, anomalies de l’oreille externe et laxité articulaire. AIFM1 : atteinte neurologique (diplégie spastique, ataxie) et dysplasie métaphysaire. PISD : hyperlaxité avec luxations articulaires multiples. AIFM1 & PISD : anomalies digitales, coxa vara, et retard osseux.
Référence :
• First report of posterior reversible encephalopathy syndrome (PRES) in a patient with CA2- related osteopetrosis
Ezgi Susam.
Sakarya Research and Training Hospital, Sakarya, Turkey.
• Mitochondrial skeletal disorders: a retrospective cohort of 9 French cases
Caroline Michot, Valérie Cormier-Daire.
Reference Center for Skeletal Dysplasias, INSERM UMR1163, Institut Imagine, Necker-Enfants Malades Hospital, Paris, France.
Conclusion
Les découvertes et avancées enrichissent considérablement la compréhension des maladies osseuses constitutionnelles sur le plan génétique, moléculaire et clinique ouvrant des voies prometteuses pour des approches diagnostiques innovantes et des espoirs thérapeutiques via des thérapies ciblées.