Retour sur... ECTS 2025
Retour sur le congrès ECTS 2025
Le 52e congrès annuel de la Société européenne des tissus calcifiés (ECTS) s'est tenu à Innsbruck, en Autriche du 23 au 26 mai 2025, réunissant environ 700 cliniciens et chercheurs du monde entier. Ce congrès, axé sur les maladies rares du squelette, les thérapies émergentes et le métabolisme osseux, a été l'occasion de partager les dernières avancées scientifiques et cliniques. L’ECTS Academy et les événements pour chercheurs en début de carrière ont mis l'accent sur le mentorat, l'intégrité scientifique et la coopération internationale.
Dans le cadre de son appel à candidatures 2025 dédié à la formation, la filière de santé maladies rares OSCAR a soutenu la participation de Mélanie LEGRAND, rhumatologue au CRMR DFO (Hôpital Édouard Herriot, Lyon), et de Maria MATEROZZI, post- doctorante au laboratoire partenaire LP2M – CNRS / Université Côte d’Azur, à ce congrès. Il a offert aux deux lauréates une opportunité unique d’explorer les avancées scientifiques et cliniques majeures dans le champ des maladies osseuses rares. Leur retour d’expérience, que la filière OSCAR a le plaisir de relayer, met en lumière de nombreuses actualités dans le domaine des maladies rares de l’os, du calcium et du cartilage.
Sommaire
🔎 Ostéogenèse imparfaite (OI) : de la prise en charge adulte à la recherche thérapeutique
🔎 Fibrodysplasie ossifiante progressive (FOP)
🔎 Nouvelles données en hypophosphatémie et hypoparathyroïdie
🔎 Dysplasie fibreuse des os (DFO)
🔎 Ostéosarcome
Ostéogenèse imparfaite (OI) : de la prise en charge adulte à la recherche thérapeutique
Par Mélanie LEGRAND et Maria MATEROZZI
Une maladie aux besoins complexes et évolutifs tout au long de la vie
L’OI a occupé une place centrale parmi les maladies rares abordées lors de l'ECTS 2025. La journée pré-congrès de l'ECTS 2025 a débuté par un atelier "Lifelong Needs in the Care for and Follow-up of Adults with Osteogenesis Imperfecta" consacré à la prise en charge des adultes atteints d’OI, une pathologie souvent perçue sous l’angle pédiatrique. Le panel d’experts européens présents a mis en évidence les lacunes actuelles dans la structuration des parcours adultes, en Mélanie Legrand et Maria Materozzi Lauréats de OSCAR au ECTS2025 Unité LP2M (Nice) à l’évènement de charité pour l’Ostéogénèse Imparfaite particulier lors de la transition depuis une prise en charge pédiatrique centralisée, et multidisciplinaire vers un suivi adulte fragmenté, rarement holistique, avec un accès parfois limité aux soins spécialisés. L’intervention d’Ingunn WESTERHEIM (présidente de la fédération européenne de l’OI – OIFE), a souligné les défis rencontrés par les patients lors de cette transition.
Cette session a conclu sur l’urgence de développer des recommandations européennes communes et de favoriser une approche holistique, tenant compte des besoins médicaux, fonctionnels et psychosociaux.
De surcroît, plusieurs exemples concrets d’initiatives et collaborations internationales ont été présentées, comme le large registre multicentrique « IMPACT survey », ou encore le développement du set standardisé de mesures centré sur les besoins des patients et de leur famille - KEY4OI (key4oi.org).
Une soirée caritative organisée par l’ECTS a soutenu l’association « Osteogenesis Imperfecta Austria ». Les participants ont joué à un jeu d’action sur glace afin de récolter des fonds pour les patients atteints d’OI.
Par Mélanie LEGRAND
Morbi-mortalité néonatale : données issues du SNDS
Cécile PHILIPPOTEAUX (Lille, France) a apporté un éclairage sur la morbi-mortalité périnatale dans l’OI, via une étude rétrospective exploitant les données nationales hospitalières (SNDS/PMSI). Parmi les 658 enfants nés entre 2014 et 2022 avec un diagnostic d’OI (30 % de nouveau-nés), l’analyse révèle une mortalité intra-hospitalière immédiate de 9,1 %, et une survie à 6 mois de 68 % pour les cas néonataux les plus sévères.
La durée moyenne de survie était de 718 jours, avec une mortalité intra-hospitalière immédiate de 9,1%. La première hospitalisation était liée à une fracture dans près d'un quart des cas, le fémur étant le site fracturaire le plus fréquent (50 %). Un tiers des patients présentait au moins une nouvelle fracture au cours du suivi, avec une moyenne estimée à une fracture tous les trois ans.
Référence : Cécile PHILIPPOTEAUX, Julien PACCOU and Emmanuel CHAZARD. COP20 Mortality and fracture risk in children with osteogenesis imperfecta: results from the French national hospital discharge database.
Par Mélanie LEGRAND et Maria MATEROZZI
TOPAZ : vers de nouvelles perspectives thérapeutiques chez l’adulte
Jannie D. HALD (Danemark) a présenté les résultats préliminaires de l’étude TOPAZ, qui évalue l’efficacité du tériparatide suivi de l’acide zolédronique chez les adultes atteints d’OI, en comparaison avec le traitement conventionnel. Cet essai européen contrôlé randomisé a inclus 350 patients et vise à déterminer l'impact de ce traitement séquentiel sur la densité osseuse et la qualité de vie des patients. Les résultats
complets sont attendus d’ici la fin de l’année 2025.
L’étude suscite un grand intérêt en raison de son potentiel à améliorer les traitements disponibles. Un point notable est que 19 % des patients ne présentent pas de mutations pathologiques, ce qui pourrait mener à la découverte de nouveaux gènes associés à l’OI.
Référence : P246 - Jannie Dahl HALD and al. Baseline characteristics of the TOPAZ study: A randomised trial of teriparatide and zoledronic acid compared with standard care in adults with osteogenesis imperfecta.
Par Maria MATEROZZI
Modèles et facteurs de risque dans l’OI : nouvelles perspectives
Laura VENTURA (Pays-Bas) a présenté un modèle de souris CRISPR/Cas9 pour l'OI, qui reproduit une forme légère de la maladie, permettant d’étudier l’impact sur la production de collagène et la solidité des os.
Camille BLANDIN (Paris, France) a exposé une étude sur les facteurs de risque de fractures chez les adultes atteints d'OI, mettant en lumière l'association entre les mutations faux-sens dans les gènes COL1A1/COL1A2 et une incidence accrue des fractures.
Fibrodysplasie ossifiante progressive (FOP)
Par Maria MATEROZZI
Avancées thérapeutiques dans la FOP : Tofacitinib, Palovarotene et Garetosmab
La FOP a été largement discutée lors de l'ECTS, notamment sous l'angle clinique, avec un accent particulier sur les nouvelles options thérapeutiques et les stratégies de prise en charge des patients. I. Nikishina (Russie) a présenté les résultats d'une étude observationnelle menée sur 35 patients atteints de FOP, portant sur l'effet du Tofacitinib (TOFA) et du Palovarotene (PALO). Après un an de traitement au TOFA, les résultats ont montré une réduction significative de la fréquence des poussées inflammatoires, passant de 10-12 événements par an à 0-2 par an. Des effets synergiques ont été observés en combinaison avec le PALO, bien que des effets secondaires cutanés aient été notés. Ces résultats suggèrent que cette approche thérapeutique pourrait avoir un impact significatif sur la gestion de la FOP, bien que des données complémentaires soient nécessaires pour évaluer pleinement son profil de sécurité et son
évaluer pleinement son profil de sécurité et son efficacité à long terme.
De son côté, S. Dimartino (Royaume-Uni) a présenté les détails de l’essai de phase 3 OPTIMA, portant sur le Garetosmab, un anticorps monoclonal ciblant l’activine A, dans le traitement de la FOP active. Cet essai, qui inclut 66 patients, a pour objectif d'évaluer l'efficacité et la sécurité du Garetosmab dans la réduction de l'ossification hétérotopique. Les résultats de cette étude, qui visent à approfondir la compréhension de l’impact de l'inhibition de l’activine A sur la progression de la maladie, sont attendus avec un intérêt considérable, en raison du rôle central de l'ossification hétérotopique dans la pathophysiologie de la FOP.
Par Mélanie LEGRAND
Caractéristiques transversales de la douleur dans les MOC : données du registre RUDY
Grâce au soutien de la filière OSCAR, j’ai eu le plaisir de présenter un poster portant sur la douleur dans les maladies osseuses rares. En analysant les données du registre britannique RUDY, j’ai mis en évidence une stabilité de la distribution et des caractéristiques de la douleur chez les adultes atteints de DFO, OI et d’hypophosphatémie liée à l’X (XLH), et ce malgré des pathologies très différentes sur le plan physiopathologique. Ces
éléments suggèrent que la majeure partie de la douleur serait déterminée par des facteurs extra-osseux, probablement d’origine centrale (comme la sensibilisation) ou comportementaux, en lien avec une prévalence élevée de douleurs neuropathiques et de douleurs généralisées observées dans ce travail chez les adultes atteints de MOC.
Référence : P256 - Mélanie A LEGRAND, Roland CHAPURLAT, Kassim M JAVAID. Addressing the Unmet Challenge of Pain in Rare Bone Diseases.
Nouvelles données en hypophosphatémie et hypoparathyroïdie
Par Mélanie LEGRAND
Hypophosphatémie chez l’adulte : étiologies et prévalence en pratique hospitalière
Une étude épidémiologique monocentrique a été présentée par Diana OVEJERO (Barcelone, Espagne), visant à caractériser l’hypophosphatémie chez l’adulte à partir de plus de 86 000 dosages de phosphate sérique réalisés à l’Hôpital del Mar. L’hypophosphatémie était observée chez 3,4 % des patients, soit 1 071 sujets suivis en consultation externe. Les causes identifiées étaient dominées par les médicaments (36 %),
notamment les perfusions de carboxymaltose ferrique et l’utilisation du ténofovir. Venaient ensuite la transplantation rénale (16 %), la dénutrition/malabsorption (9 %) et l’hyperparathyroïdie primaire (6 %). Chez près de 25 % des patients, aucune cause claire n’a pu être identifiée, soulignant la fréquence des formes idiopathiques.
Référence : COP21 - Diana OVEJERO, Natalia GARCIA-GIRALT and Xavier NOGUES. Characterization of hypophosphatemia in the outpatient setting in a tertiary referral hospital.
Par Maria MATEROZZI
Traitement de l'XLH chez l'adulte : mises à jour sur l’éfficacité du Burosumab
Des mises à jour importantes ont été présentées concernant l'hypophosphatémie liée au chromosome X (XLH), principalement axées sur les études cliniques récentes. G. ARCIDIACONO (Italie) a discuté de l'efficacité du Burosumab dans une étude multicentrique impliquant 27 adultes, où des augmentations significatives du phosphate sérique ont été observées, accompagnées d'améliorations des symptômes cliniques tels que la douleur et la mobilité. L'étude a également identifié des facteurs prédictifs de la réponse au traitement, notamment l'augmentation du phosphate sérique et des niveaux plus élevés de FGF23 et de PTH. Globalement, le Burosumab s'est révélé efficace et bien toléré, avec des marqueurs biochimiques permettant un traitement personnalisé.
A. PEROTTA (Italie) a rapporté que, dans un suivi à long terme, le Burosumab a apporté des améliorations stables et significatives de la phosphatémie, de la réabsorption rénale du phosphate et des tests fonctionnels chez cinq femmes adultes, sans effets indésirables majeurs.
Enfin, S. CARRARA a présenté une cohorte nationale d'adultes XLH en Italie, incluant 158 patients (100 femmes et 58 hommes) âgés de 19 à 83 ans, avec des analyses basées sur les mutations génétiques et le fardeau clinique de la maladie.
Par Mélanie LEGRAND
Le palopegteriparatide dans l’hypoparathyroïdie chronique de l’adulte
Une synthèse remarquable sur les approches thérapeutiques innovantes dans l’hypoparathyroïdie de l’adulte a été présentée par Michael MANNSTADT (USA), incluant les PTH orales, à libération prolongée ou modifiées par adjonction lipidique. Une attention particulière a été portée au palopegteriparatide (TransCon PTH), récemment approuvé par l’EMA. Cette synthèse de la recherche thérapeutique en cours dans l’hypoparathyroïdie est très encourageante, tant pour les cliniciens que pour les patients !
Les résultats de l’extension de l’essai de phase 2 PaTH Forward ont été présentés par Elena TSOURDI (Allemagne). Le palopegteriparatide a été approuvé par l’EMA (agence européenne du médicament) comme traitement substitutif de la
PTH pour cette population. Cette étude en ouvert, menée chez 59 patients suivis sur 152 semaines, montre que 91 % des participants ont pu interrompre leur traitement conventionnel tout en maintenant une calcémie stable.
Une reprise du remodelage osseux a été observée, avec une augmentation transitoire des marqueurs (P1NP, CTX) à 26 semaines, suivie d’une diminution puis d’une stabilisation à 152 semaines. Les Z- scores densitométriques initiaux anormalement élevés ont progressivement diminué, se rapprochant de valeurs physiologiques. Aucun signal de sécurité préoccupant n’a été relevé. Ces résultats suggèrent un maintien durable du nouvel état osseux obtenu sous palopegteriparatide.
Référence : PLO08 - Elena TSOURDI et al. Palopegteriparatide improves skeletal dynamics in adults with chronic hypoparathyroidism: 162-week results from the phase 2 PaTH Forward Trial.
Dysplasie fibreuse des os (DFO)
Par Mélanie LEGRAND
DFO : vers une compréhension moléculaire de la douleur
Une présentation plénière de Biagio PALMISANO (Rome, Italie) a proposé une exploration approfondie des mécanismes de la douleur dans la DFO. En utilisant le modèle murin de DFO (souris EF1α-GαsR201C), les chercheurs ont observé des comportements en réponse à la douleur nociceptive sans lien clair avec la sévérité osseuse. Un modèle triple transgénique, exprimant la GFP dans les fibres nerveuses sensorielles, a permis de démontrer que l’innervation des os atteints était similaire à celle des souris témoins, sans preuve de bourgeonnement
celle des souris témoins, sans preuve de bourgeonnement nerveux pathologique ni de névrome. Parallèlement, une analyse histologique menée sur des échantillons osseux humains a révélé une faible densité de fibres nerveuses sensorielles, mais une surexpression significative des neurotrophines BDNF et NGF par rapport aux témoins. Ces données suggèrent que la douleur dans la DFO pourrait être liée à une modulation neurochimique plutôt qu’à une hyperinnervation.
Référence : PLO09 - Biagio PALMISANO, Mara RIMINUCCI and al. Bone pain in Fibrous dysplasia does not rely on aberrant sensory nerve sprouting or neuroma formation.
Par Maria MATEROZZI
Mécanismes moléculaires et cibles thérapeutiques dans la DFO
Le groupe de B. PALMISANO (Italie) a présenté des avancées importantes concernant les mécanismes pathophysiologiques et moléculaires sous-jacents à la DFO. Ils ont rapporté l'implication d'un stress accru du réticulum endoplasmique (RE) dans les cellules ostéoprogénitrices du modèle murin transgénique GαsR201C. Ce stress semble réguler RANKL, un facteur clé de l’ostéoclastogenèse, contribuant ainsi à la résorption osseuse dans la DFO. De plus, l'effet de ce stress du RE peut être modulé par la tunicamycine, offrant ainsi une nouvelle cible thérapeutique pour réduire la résorption osseuse dans cette
pathologie. Concernant la douleur associée à la DFO, il a été démontré, dans le modèle murin, que cette douleur n'était pas due à des neuromas ou à un bourgeonnement nerveux anormal, mais plutôt à une activation neurochimique. Les fibres nerveuses sensorielles étaient préservées, et des niveaux élevés de facteurs neurotrophiques, tels que BDNF et NGF, étaient présents dans les lésions de la DFO, suggérant que la douleur osseuse est intrinsèque et d'origine neurochimique plutôt que structurelle.
Ostéosarcome
Par Maria MATEROZZI
Modèles expérimentaux innovants et nouvelles pistes thérapeutiques pour l'ostéosarcome
Afin d'améliorer les modèles expérimentaux pour l'étude de l'ostéosarcome, T. FRANKENBACH (Allemagne) a présenté un nouveau modèle de culture 3D in vitro de tumeurs dérivées de patients. Dans ce modèle, les biopsies tumorales sont directement placées sur des échafaudages osseux artificiels, ensemencés avec des ostéoprogéniteurs, permettant une intégration dans la structure et une croissance prolongée des cellules tumorales. Bien que ce modèle soit encore en phase d'optimisation, il pourrait devenir un outil précieux pour le dépistage de médicaments personnalisés et les études moléculaires sur le matériel tumoral du patient.
Concernant les traitements, A. PAGNAN (Brésil) a suggéré l'utilisation du CAPE (Caffeic Acid Phenethyl Ester), un composé dérivé de la propolis, comme adjuvant potentiel contre l'ostéosarcome. In vitro, le CAPE a montré des effets anti-inflammatoires et antitumoraux, réduisant la viabilité et la migration des cellules tumorales, diminuant la production d'espèces réactives de l'oxygène et activant les voies apoptotiques intrinsèques par l'augmentation de l'expression de BAX et BAK.